Le pouvoir du chien, de Thomas Savage

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- Auteur: Thomas Savage

- Date de publication: 19xx


Le Pouvoir du chien est un roman extrêmement séduisant, dont le ton m'a d'emblée conquise. Un roman qui se dévore avec énormément de plaisir!... Il se déroule au milieu des années 20, dans un Far West démythifié et dépouillé de bon nombre de clichés qu'on a coutume d'y attacher... Un Far West remis à sa place, un Far West qui est tout sauf idyllique. Le ranch où se déroule l'action principale ainsi que la petite ville où se situent les actions secondaires est le théâtre de toutes les férocités et de toutes les frustrations, de toutes les cruautés et de tous les refoulements. Tout est brut, sec, âpre, abrupt, sans finesse. C'est le ranch de l'homophobie et des complots, des convoitises et des aigreurs, recouverts du vernis de la réussite et de l'argent. Phil et George Burbank, deux frères quadragénaires célibataires, dirigent un ranch dans l'Ouest américain ; très différents, ils se complètent plutôt bien, George semblant s'être fait à l'idée de la supériorité intellectuelle de Phil, le doué, le brillant. Les Burbank sont depuis toujours une famille puissante et respectée.
Parallèlement, dans la petite ville voisine, se déroule une piteuse tragédie : un médecin dont la carrière est un échec, ayant sombré dans l'alcoolisme, se pend, laissant une veuve et un adolescent orphelin. Cette tragédie rejoint l'histoire des Burbank à deux endroits : le jeune médecin, intellectuel laborieux, érudit lunaire et idéaliste, est, peu de temps avant son suicide, la proie des quolibets de Phil Burbank qui croise son chemin dans un saloon et accable de mépris cet être faible et sans défense. L'humiliation subie par son défunt père se perpétue en la personne du fils, adolescent sensible, studieux et efféminé, qui est lui aussi, alors qu'il sert dans le restaurant de sa mère, la risée de Phil Burbank et de sa bande de vachers rudes et aux manières frustes. Le deuxième point de convergence des deux histoires est tout à fait inattendu, puisque, de manière secrète, George Burbank, le discret, le maladroit, celui qui ne sait pas parler, celui qui ne sait pas être spirituel, courtise, puis épouse avant d'en parler à son frère, la veuve du médecin, Rose.
Une cour et un mariage rapides, une sorte de coup de théâtre dans cette histoire qui n'est pas sans surprise. Un mariage qui a pour conséquences l'arrivée de Rose au ranch des Burbank, et le séjour de son fils Peter pendant les vacances. On imagine alors les mécanismes psychologiques qui se mettent en place chez les uns et les autres : l'irruption de la veuve et de l'orphelin du suicidé, objet du mépris de Phil, entre les deux frères. Les relations entre les personnages du livre en seront profondément modifiées. Brusquement, la donne n'est plus la même. Tout est changé pour tout le monde. Et le livre de Thomas SAVAGE en devient -en demeure, devrait-on dire, car il ne cesse jamais de l'être!- passionnant!
Les tensions psychologiques qui s'instaurent donnent au roman une dimension extrêmement intense, et Thomas SAVAGE décrit à merveille la lente corrosion qui grignote le psychisme de Rose, "torturée" moralement par les silences d'un Phil Burbank qui ne lui adresse pas la parole et la terrorise par sa simple présence haineuse et méprisante.
Les enjeux psychologiques sont tels que le lecteur ne peut pas penser une seule seconde que l'auteur va en rester là : un drame doit avoir lieu, un drame aura lieu, le lecteur le sait, le lecteur le sent.
Et c'est ce qui rend Le Pouvoir du chien admirable!
D'un bout à l'autre, Thomas SAVAGE, selon moi, excelle... Le ton est séduisant, la cruauté de l'âme humaine affleure, une subtile ironie -légère et peu appuyée- flotte en permanence dans l'air...
Le Pouvoir du chien
(premier roman que je lisais de cet auteur récemment décédé, d'après ce qu'on m'a dit) me donne envie de lire d'autres ouvrages de Thomas SAVAGE..."

Par Véro.

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